Par la suite, il part pour Bruxelles et se forme auprès de Stefan Askenase[3], puis entre en contact à la fin des années 1950 avec les spécialistes du postsérialisme Henri Pousseur, André Souris et Célestin Deliège[3]. Sur les conseils de Stefan Askenase, il se détourne d'une carrière de pianiste et se concentre sur la composition, domaine dans lequel il devient autodidacte[3]. À partir de 1962, il travaille au sein du Centre de recherches musicales de Wallonie et il est producteur à la Radio-télévision belge de Bruxelles[3]. Il adhère et milite au PCB, engagement qu'il poursuit pendant une vingtaine d'années[4]. Durant les années 1962-1963, il suit des cours d'été à Darmstadt et participe à la fondation de l'ensemble Musiques nouvelles avec Henri Pousseur, Pierre Bartholomée et Jean-Louis Robert[3],[2], dans lequel il est pianiste. En parallèle, il s'intéresse au théâtre à Bruxelles et à Liège[2].
Dès 1980, Philippe Boesmans est repéré par le directeur de La Monnaie de Bruxelles, Gerard Mortier, qui cherche alors à renouveler la création lyrique[2]. Travaillant alors avec Pierre Mertens sur un texte autour de la vie de Gilles de Rais, le compositeur écrit son premier opéra, La Passion de Gilles, qui voit dans ce travail un défi pour, selon ses mots, « en finir avec l'opéra », imaginant cet ouvrage comme son premier et dernier du genre[2]. Seulement, il continue de travailler avec l'institution belge, et en 1989, le compositeur propose une orchestration de L'incoronazione di Poppea du compositeur baroqueClaudio Monteverdi, mis en scène par le suisse Luc Bondy[2], qui marque le début d'une collaboration étroite entre les deux hommes autour de ses ouvrages lyriques[1]. Il devient compositeur en résidence à La Monnaie, qui continue de lui commander des ouvrages, surtout des opéras, dont Reigen d'après La Ronde d'Arthur Schnitzler, créé en 1993[5]. En tout, le compositeur écrit pour l'institution belge six de ses huit opéras, qui les fait créer entre 1983 et 2022. Le compositeur travaille par la suite avec l'écrivain de spectacles français Joël Pommerat, qui adapte avec lui deux de ses spectacles : Au monde et Pinocchio, opéras créés en 2014 et 2017[1].
Les œuvres de Philippe Boesmans ont été jouées dans de nombreuses maisons d’opéra européennes, dont le Liceu de Barcelone[6], Darmstadt, Varsovie, Bruxelles, Metz et Avignon. Ses opéras sont régulièrement recréés sur des scènes d'envergure continentales, telles que l'Opéra de Strasbourg en 1993 pour une nouvelle production de Reigen, reprise au Théâtre du Châtelet à Paris l'année suivante[2].
Après la première de l'opéra Au monde le , le directeur de la Monnaie, Peter de Caluwe a dévoilé une « pastille » au nom du compositeur dans la salle de la Monnaie, en dessous de la loge royale, aux côtés des grands noms de l’opéra tels Mozart et Verdi[7].
Philippe Boesmans devenu une figure majeure de l'opéra contemporain du tournant des xxe et xxie siècle[2],[8], meurt le à l'âge de 85 ans à Bruxelles où il résidait[9],[10]depuis 1961[11].
Langage musical
Si Philippe Boesmans, apprend et partage la musique dans le mileiu sériel et post-sériel, il reste attaché durant sa carrière au son acoustique des instruments ainsi qu'au timbre, dans la lignée du spectralisme[3],[2]. Il conserve dans sa musique la consonance, le rythme et l'expressivité, n'hésitant pas à exploiter la tradition pour son propre langage musical[3], notamment à travers des citations textuelles qui ont pu assimiler son esthétique très personnelle au postmodernisme[12].
Son multilinguisme (néerlandophone, francophone, germanophone) et ses influences artistiques ancrent son style et ses choix à la fois dans les mondes germanique[1] (plusieurs de ses opéras sont en allemand et il travaille avec Luc Bondy, suisse également bilingue franco-allemand[1] et directeur de théâtres à Hambourg, Francfort, Cologne et Berlin) et francophone (à travers ses collaborations avec Pierre Mertens, Marie-Louise Bischofberger, Joël Pommerat et Richard Brunel).
Œuvre
L'œuvre de Philippe Boesmans est marqué par le succès de ses opéras[8] mais comporte également un grand nombre de compositions instrumentales et orchestrales[1].
Musique instrumentale
1968 : Explosives pour harpe solo et dix instrumentistes
1972 : Fanfare II pour orgue
1974 : Sur Mi pour deux pianos et percussion
1974 : Multiples pour orchestre
1978 : Multiples pour ensemble instrumental
1976 : Doublures pour ensemble instrumental
1976 : Élément-Extensions pour piano et ensemble instrumental
1978 : Concerto pour piano et orchestre
1979 : Concerto pour violon et orchestre
1980 : Conversions pour orchestre
1985 : Extases pour piano, tuba et petit ensemble
1988 : Quatuor à cordes no 1
1989 : Surfing pour alto solo et ensemble instrumental
1991 : Day-dreams pour marimba et instruments de synthèse
1993 : Dreamtime pour harpe, tuba basse solo et ensemble instrumental
1994 : Summer Dreams pour quatuor à cordes (no 2)
1995-1996 : Ornamented Zone pour clarinette, alto, violoncelle et piano
2002 : Fanfare III pour aulochrome (nouvel instrument à vent) et orchestre
1994-2004 : Tunes pour piano
2006 : Sextuor à clavier pour quintette à cordes et piano
2010 : Capriccio pour deux pianos et orchestre
2010 : Chambres d'à-côté pour ensemble instrumental
1989 : Le Couronnement de Poppée de Monteverdi [réalisation orchestrale] créé à La Monnaie de Bruxelles. Revu en Poppea e Nerone, créé au Teatro Real de Madrid en 2012 ;
2001 : L'Annonce faite à Marie, musique de scène pour la pièce de Paul Claudel, en collaboration avec Fabrizio Cassol, pour cinq voix et cor (inédit) ;
2005 : Julie, opéra en un acte, livret de Luc Bondy et Marie-Louise Bischofberger d’après Mademoiselle Julie (Fröken Julie) d’August Strindberg, créé le à La Monnaie de Bruxelles. Parution en DVD chez Bel Air Classiques en 2007 ;
2014 : Au monde, opéra en vingt scènes, livret de Philippe Boesmans et Joël Pommerat d’après son spectacle éponyme (2004), créé le La Monnaie de Bruxelles dans une mise en scène de Joël Pommerat et sous la direction de Patrick Davin[14] ;
2017 : Pinocchio, opéra en vingt-trois scènes, ouverture, prologue et épilogue, livret de Philippe Boesmans et Joël Pommerat d’après son spectacle éponyme (2008), créé le au Grand Théâtre de Provence d’Aix-en-Provence, dans le cadre du Festival international d’art lyrique dans une mise en scène de Joël Pommerat et sous la direction d’Emilio Pommarico[15] ;
Summer Dreams (Quatuor à cordes no 2), Love and Dance Tunes et Ornamented Zone par le quatuor Arditti, Dale Duesing (baryton), Jean-Luc Plouvier (piano) et l’ensemble Musiques Nouvelles - CD Ricercar
↑ abcdefghijk et lCécile Auzolle, « Philippe Boesmans », dans Hervé Lacombe, Histoire de l'opéra français. De la Belle Epoque au monde globalisé, Fayard, (ISBN9782213709918), p. 958-960.
↑Guillaume Bourgeois, « Les engagements politiques de Philippe Boesmans », dans Cécile Auzolle, Philippe Boesmans, un parcours dans la modernité, Chateau-Gonthier, Aedam Musicae, (ISBN978-2-919046-52-2), p. 37-51
↑Cécile Auzolle, Philippe Boesmans, un parcours dans la modernité, Chateau-Gonthier, Éditions Aedam musicae, coll. « Collection Musiques XXe-XXIe siècles », , p. 66.
↑Auzolle, Cécile, Philippe Boesmans, un parcours dans la modernité, Chateau-Gonthier, Éditions Aedam musicae, coll. « Collection Musiques XXe-XXIe siècles », , 301 p. (ISBN978-2-919046-52-2)
↑Au monde sur opera-online.com (consulté le 3 avril 2014).
↑« Pinocchio de Boesmans et Pommerat, création mondiale en ouverture d'Aix-en-Provence », sur olyrix.com, (consulté le ). Première œuvre donnée lors de la réouverture de La Monnaie après rénovation, le , en présence du roi et de la reine de Belgique. La veille de cette première, le documentaire avec des entretiens avec le compositeur, des collègues et membres de sa famille, était présenté en avant-première aux Cinémas des Galeries de Bruxelles, en présence du compositeur et de ses collaborateurs.
Valérie Dufour, « “Comme une rose sauvage…” : Parcours de Philippe Boesmans », IRCAM-Centre Pompidou, 2014.
Cécile Auzolle (dir.), Philippe Boesmans, un parcours dans la modernité, Château-Gonthier, Aedam Musicae, 2017.
Chronologie et catalogue 1927-2020, p. 65-77 ; contributions de Pierre Bartholomée, Guillaume Bourgeois, Philippe Dewolf, Béatrice Ramaut-Chevassus, Thomas Lacôte, Yves Balmer, Sylvain Cambreling, Benoît Mernier, Matthew Jocelyn, Jérôme Rossi, Martin Guerpin, Julie Obert, Bernard Foccroulle, Frederic delmotte, Edward Campbell, Patrick Davin, David Lively, Fabrizzio Cassol, Armelle Babin, Giuseppe Montemagno.
Liens externes
Entretiens
Marie-Aude Roux, « Philippe Boesmans : "Pour écrire un opéra, il faut aimer les gens" », Le Monde, (lire en ligne).